Aller au contenu principal
Accueil forum       Retour à liste des sujets

Très Cher Docteur Dukan...

Communauté et échange On papote
05 jan 2012 à 00h

Très Cher Docteur Dukan,

Je me permets de tutoyer, on se connaît en effet très bien, enfin, tu connais mieux les chiffres de ma Carte Bancaire que ma personne, mais le fric dépensé dans tes galettes de son et ton site en ligne, l'haleine de phoque, ça rapproche, un peu comme si on avait gardé les cochons ensemble, hein !

Pénaliser les "au-dessus de 25" (ceux qui savent de quoi je parle comprendront) au bac, mais c'est d'un  ringard Docteur... La société a très bien su et sait encore parfaitement bien le faire elle-même...

Poids et école...

Mon premier souvenir remonte au CE1, madame Odile, chère à mon cœur, tendre maîtresse, me le brisa.Après la visite médicale (mesure, pesée), elle lu devant la classe silencieuse, ce que le médecin avait couché dans le carnet de santé de la petite fille la plus grosse d'entre nous.Je me souviens qu'elle avait de bonnes joues rouges et pesait 41 kilos.

Tremblements, mon cerveau qui bouillonne, mon ventre qui se tord, serai-je là suivante ?

Je ne sais pas si je suis grosse, mais j'ai peur car je n'ai pas les cuisses de grenouille de Catherine ou le visage acéré de Judith.

L'échafaud ...
Qu'on lui coupe la tête !
Mourir devant mes camarades, punie d'être trop gourmande...

Quand je revois les photos, des larmes chaudes roulent sur mes joues. Petite Delphine de 7 ans déjà aux proies du Dieu balance.
J'étais plus grande que la moyenne, imposante, hors des courbes, mais... nullement obèse.

Chaque année revient la peur de cette visite médicale et le carnet de santé est  régulièrement consulté avec angoisse pour voir si, par magie, les chiffres ne changent pas au gré de ma croissance.

Dès le CM2, je suis falsifieuse avertie et change les 8 en 6, histoire de perdre 2 kilos. Ma corpulence est déjà qualifiée de "supérieure"

Maman voit mon corps changé plus vite que les autres enfants de ma classe d'âge.
Elle a peur.
Elle a trop souffert.
Elle veut m'éviter cet héritage.
Elle m'aime.
Elle applique les règles de base : des pâtes, mais sans fromage râpé, une carotte plutôt qu'un bonbon, une pomme plutôt qu'un gâteau au chocolat pour le goûter.
Je deviens dealeuse...
Des le CE2, ma principale occupation matinale est d'élaborer une stratégie de récupération de goûter fondants et moelleux. Je loue mes services et échange les résultats de l'interro de maths contre un BN que je vais pouvoir ouvrir en deux et lécher délicieusement.
Sauf que mes services ne suffisent plus et que la maîtresse, au courant de mes échanges illicites, me renvoie à ma salade de fruits...

Je ressors des goûters d'anniversaire chez les copains du lotissement remplie comme une outre, des smarties plein les poches, le ventre rebondi de mousses au chocolat et autres marbrés avalés dans l'urgence de peur que le rêve se termine trop vite.

Je mange en cachette, grappille dans les repas de mes frères, râpe de fines tranches de fromage à l'épluche-légume pour que cela ne se voit pas, jette les croutes éventuelles dans du papier alu. Ni vue, ni connue.

En Sixième, je me sens bien, belle et un peu plus sure de moi.
Ce sera ma dernière visite médicale... (et là, le 4 devient un 2 - Tu vois pas, hein maman, que je triche...-)

Je me suis employée de la Cinquième à la Terminale à être malade chaque jour de visite médicale.
Pas de pesée,
Pas de médecin,
Pas de regards,
Pas de remontrances,
et puis, surtout ne pas savoir, ne pas voir, ne pas ME voir...

Ces année là furent difficiles, mon bassin s'est élargi, ma poitrine a gonflé, mes cuisses se sont vergeturées.
Je ne me reconnaissais pas.
J'étais démembrée et n'étais plus qu'une tête.

Weight Watchers,
Atkins,
Mayo,
Les premiers sachets protéinés à 15 ans,
Pamplemousse,
Légumes,
Soupes,
Isoméride...
Tout y est passé, j'y suis passé.
Je me levais en pensant à ce que je ne devais pas manger et me couchais en me disant que je ferai mieux le lendemain, que je devais avoir de la volonté, être une grande et gentille fille.

Je n'y arrivais pas.
Une colère sourde m'envahissait, un volcan m'embrasait, remplir le vide,
combler les manques,
manger pour ne pas parler,
avaler pour me baillonner,
bouffer pour ne pas hurler.
Les crises se firent plus insistantes, balayant ce qu'il me restait d'estime sur leur passage.

Les voir partir derrière les rideaux. Etre seule durant un week end sous prétexte de travailler. Aller faire les courses en tremblant.
Manger l'interdit,
Se baffrer du défendu...

Un jour, lasse, mes doigts vinrent racler le fond de ma gorge afin de nettoyer ce trop plein,
de vider ces débordements,
de purifier mes erreurs.

L'année du bac, la visite médicale était obligatoire...
J'ai refusé de me peser.
Le médecin a mentionné que je "devais perdre du poids".
J'avais sombré dans la boulimie et ce n'était que le début de ce long calvaire.

S'il avait fallu m'enlever les points du poids que j'avais en plus entre la Seconde et la Terminale (j'ai du perdre et gagner une bonne cinquantaine de kilos yoyo durant ces trois ans), Très Cher Docteur, je n'aurais peut être pas eu mon bac...

Là s'arrête le récit. Les années écoulées entre ces dix-huit ans et mes quarante et uns de ce jour, ça sera éventuellement pour une prochaine fois.

Je ne T'embrasse pas Très Cher Docteur (c'est pas parce qu'on se dit tu qu'on se fait la bise), j'ai pas piscine...

Voir le dernier message

Répondre
42 commentaires

Bonjour Elle,

Me permettrais tu aussi de signer ta lettre!!!! Non mais c´est parceque j´ai l´impression que tu racontes mon histoire, falsifier les carnets, se faire humilier par la maitresse ou docteur, ressortir des anniv le ventre éclaté, les doigts dans la bouche.

Même si en lisant ta lettre je dois verser des larmes, merci de l´avoir écrite ( un peu aussi pour nous ttes), j´ai revu la petite fille en moi et j´avais très envie de la prendre dans mes bras et de lui dire que je l´aime.

Au plaisir de te relire

Carole

Bonjour Carole,

C'est avec plaisir qu'une place T'est réservée en bas de ce billet.

Et de deux signatures !

A très bientôt !